lundi 5 février 2018

La disparition


En préparant notre voyage, nous consultions des blogs et autres sites internet.


Nous lisions avec intérêt et suivions leurs aventures en rêvant à celles que nous allions vivre, au volant de notre véhicule, Antipode et de sa compagne Jacqueline.

En attendant le départ
Parfois, nous vivions leurs aventures du début, du départ, jusqu'à la fin, l'arrivée, le retour aux pénates.

Nous étions avec eux, souhaitant être sur les mêmes lieux qu'eux, notant que faire, quoi voir, quels écueils à éviter. Nous ne rêvions plus mais nous vivions leurs aventures en attendant de vivre la notre.

Nous partagions leur angoisse liée au retour, le fait de reprendre une vie routinière, une vie de métro, boulot; dodo, une atteinte à leur liberté passée, acquise au fil du voyage.

Puis, parfois, nous naviguions sur des aventures inachevées. Des aventures inachevées qui nous laissaient dans l'attente d'une suite mais aussi qui nous laissaient dans l'interrogation.

Comme cette famille, partie à l'autre bout de la planète et qui disparaissait en plein désert australien, entre deux villes, plus d'aventures, plus d'anecdotes, carte postale dématérialisée non écrite, comme ses auteurs qui se sont dématérialisés, évanouis dans le bush des kangourous !!!

Ou ces autres aventuriers, sur leurs fiers destriers d'acier, disparus en pleine terre africaine, pas de traces, plus de pistes à suivre, sans doute rendus au cimetière des éléphants.

Et puis, il y a aussi ces touristes français englués dans les rues hongroises, déambulant malgré le temps, engloutis par les méandres d'une histoire où roi, impératrice et révolution tissent une toile ténue sans cesse rapiécée.

Eux aussi disparus de la toile, cheminement dématérialisé vers un ailleurs, interrompu. Plus de nouvelles, plus d'anecdotes, plus de positions, plus rien !!!

Souvent nous nous demandions où était passé ces aventuriers, retirés de la toile, aspirés par un trou noir, enlevés par des extraterrestres, rayés de la carte.

Parfois, ils réapparaissaient au bout de quelques mois, quelques années (rarement), engagés dans d'autres projets, parfois, mais le plus souvent toujours en route ou chez eux, tranquilles, après avoir accomplis leurs voyages. Comme le disait si bien Du Bellay, "Heureux, qui comme Ulysse, a fait un beau voyage ...et puis est retourné ... vivre entre ses parents le reste de son âge."

Mais alors que s'était-il passé entre ces disparations et ces retours ?

Je ne peux répondre pour eux, mais parfois, il arrive que certains ressentent une certaine lassitude pour conter leurs aventures, ou alors ressentent une forme de burn out du voyageur (car c'est fatigant de voyager - toujours être au-delà de sa zone de confort - toujours faire des efforts pour se faire comprendre, pour comprendre - toujours en alerte sensorielle, psychologique et physique - vivre en groupe en permanence - ...). Ce n'est pas une vie facile contrairement à ce qu'on pourrait imaginer. Je ne suis pas en train de me plaindre, c'est un constat, voyager c'est fatigant, ça demande de se remettre en question en permanence, c'est se rendre compte que rien, ou si peu, est immuable. Voyager c'est être en mouvement permanent, c'est être confronter à l'Autre, à sa culture, à ses idées, à ses concepts, à ses visions, à son altérité.

Voyager, c'est une aventure de l'ailleurs et de l'intérieur, tel un va-et-vient permanent entre le haut et le bas, c'est une aventure en soi, au-dessus de soi et autour de soi, une construction de son temple intérieur.

Pour nous, touristes évanouis dans les rues pluvieuses de Budapest, les raisons de ce silence, de cette disparition de la toile sont multiples.

Pas de burn out mais une addition de plusieurs causes. Après Buda et la Hongrie, nous avons continué notre chemin (2 semaines de route pour arriver sur la Mer Noire).

Hongrie (Budapest, Szeged), Serbie (Zemun/Belgrad) puis la Bulgarie (Sofia, Varna), les derniers tours de roues d'Antipode pour ce voyage.

Budapest, perle sous le soleil

Nous terminons notre tour de Budapest sous le soleil et la chaleur. De bon matin, nous prenons le métro, puis le bus pour aller visiter le Memento Park à l'extérieur de la ville. A l'intérieur de ce parc, les hongrois ont entassés diverses statues de l'ère communiste. Nous croisons Marx, Engels ou bien Lénine et d'autres statues toutes aussi emblématiques du système communiste (soldats géants, ouvriers et autres fresques louant les bienfaits du parti). A l'entrée du Park, se trouve une belle Trabi dans un état impeccable, prête à rouler.
Trabi, l'amie du peuple !!!
Suivre l'étoile, jeu de piste ???

Gigantisme et réalisme

Lénine, le père du capitalisme d'état !!!
Le grand frère libérateur


Nous revenons en ville après la visite du Park. Nous déambulons dans les rues de Budapest avant d'aller aux thermes pour nous rafraîchir (car il fait chaud). Du centre, nous prenons le métro (la plus vieille ligne de métro du continent européen), la ligne 1 pour nous rendre au parc Széchenyi, vaste parc public proche de la place des héros. Puis en fin de journée, nous rentrons au camping avant de reprendre la route le lendemain.
L'entrée du parc avec ses bâtiments regroupant tous les styles d'architecture hongrois


De Budapest, nous prenons la direction du sud. Nous faisons halte à Szeged dans le sud du pays. Dans le camping, il y a une piscine d'eau verte !!! Seule Florine tentera une incursion dans cette eau émeraude. Elle ressortira rapidement, ne voyant pas le fond et peu téméraire d'affronter cette eau. Baptiste, quant à lui ne peut se baigner, son genou droit ayant embrassé le sol de façon involontaire, se pare d'un joli pansement.

La blessure qui m'empêche de me baigner

Le vert qui m'empêche de me baigner
Le lendemain, nous tentons une incursion en Roumanie. Nous passons par un petit poste frontière, nous nous acquittons de la taxe et nous nous lançons sur les routes roumaines. Peu enchantés par les paysages et les villages traversés, nous décidons de continuer la route par la Serbie. Nous quittons la Roumanie avec une légère déception sans avoir envie de revenir dans ce pays. Nous repassons la frontière le jour même (2 heures après notre entrée en Roumanie). Les douaniers roumains sont assez surpris de ce passage éclair. Un douanier parle un peu le français et entame la conversation. Son collègue est intéressé par Antipode et demande de nombreux renseignements sur le véhicule. 2 heures en Roumanie auxquelles il faut ajouter les 20 minutes à la frontière à discuter avec 2 douaniers roumains qui s'embêtaient tous seuls dans leur poste !!!

En fin d'après-midi, nous arrivons dans la banlieue de Belgrade, à Zemun. Nous nous installons dans un camping le long du Danube, notre fil rouge depuis Passau !!!
Nos voisins sont australiens et font aussi un tour du monde avec leur véhicule. Leur étape européenne ressemble un peu à un marathon à cause de leur visa qui ne dure que 3 mois pour faire toute l'Europe. Ses saloperies administratives sont des freins pour les voyageurs et découvreurs d'autres horizons que nous sommes. Nous discutons un peu avec eux, les renseignons sur notre périple dans les îles britanniques et leur donnons notre "Britstop", ouvrage qui nous a servi chez les Great Britons, Welsh et Scots.

Dans le camping, nous croisons aussi des français qui passent leurs vacances sur des destriers d'acier. C'est une famille qui se déplace en vélo sur les routes européennes. Ils nous disent que l'année d'avant, ils ont fait une partie de l'eurovélo 6 (route cycliste qui part de part de St Nazaire pour se terminer à Tulcéa - Roumanie). Cette année, ils font une autre partie de l'EV6. C'est la première fois que nous entendons parler de cette route cycliste qui relie l'Atlantique et la Mer Noire. Première fois, mais pas la dernière fois !!! Mais avant de continuer leur périple sur l'EV6, ils doivent récupérer un vélo qui n'est pas arrivé par voie aérienne. Nous nous proposons de les véhiculer vers l'aéroport le lendemain afin de récupérer le dernier vélo.

En quittant le camping, nous emmenons avec nous le père de la famille de cyclistes pour qu'il puisse récupérer le dernier vélo. Nous le déposons et quittons la banlieue de Belgrade pour continuer notre route vers la Bulgarie. Avec le recul, cette rencontre n'était pas fortuite, nous reparlerons bientôt de l'EV6 et de destriers d'acier !!! Le hasard n'existe pas !!!

La Serbie, n'est qu'une étape sur notre route vers la Bulgarie. Nous ne nous arrêtons pas, nous roulons, ne faisant que traverser ce pays. Les panneaux sont écrits en lettres latines ou en cyrillique. Nous sentons que nous quittons un monde, la richesse et l'opulence de l'occident laisse place à une certaine pauvreté des peuples balkaniques.


Halte le long de la route de la diaspora turque
Nous faisons une autre halte avant de quitter la Serbie. Comme nous sommes en pleine période de grandes vacances, nous nous faisons doubler en permanence, au mépris de toutes règles de sécurité, par des files de Merco, de BM ou d'Audi immatriculées dans les pays occidentaux (Allemagne, Autriche, Suisse, NL, ...). Les rares français roulent en Peugeot ou Renault (z'ont pas choisi le bon pays pour émigrer, pas le même pouvoir d'achat) !!! En regardant de plus près la carte, nous nous apercevons que nous sommes sur la route des vacances de la diaspora turque, retour au pays le temps des vacances (retour pour ceux qui vont y arriver entier au vu de leur conduite).

Faut goûter les produits locaux
Nous reprenons notre route après une nuit chaude (c'est l'été et nous avons testé l'alcool local - la slibovitch). Accompagnés de nos amis turcs, nous arrivons à la frontière. Vu le nombre de véhicules nous nous attendons à plusieurs heures d'attente (nous mettrons finalement 1h30 pour passer la frontière sans être fouillés contrairement à certains de nos amis turcs).

Nous arrivons enfin en Bulgarie, autre pays, un autre monde. Fini l'alphabet latin, plus que du cyrillique (début de grands moments de solitude). Effectivement, nous sommes entrés dans un autre monde, les règles sont plus souples, il suffit de voir la conduite. Un panonceau accroché au poste de douane bulgare attire mon attention. Il est écrit en bulgare et en anglais. Il rappelle que les pots de vins aux douaniers sont interdits. Il indique aussi que les policiers bulgares se déplacent en Opel, tels modèles, et que si on se fait arrêter par des policiers qui n'ont pas ce type de véhicule, ce ne sont pas de vrais policiers !!! Добре дошли в България (bienvenue en Bulgarie) !!!

Nous poussons notre incursion en territoire bulgare pour finalement nous poser dans la capitale. Nous trouvons un  parking qui accepte les CC. Nous faisons nos premiers pas dans notre nouveau pays.

Sofia, place Nédélia

Sofia, la sagesse

The cathédrale of Sofia !!!
Enfin, nous sommes arrivés sur la terre promise, notre prochain lieu de villégiature.

Après quelques jours à la ville, nous reprenons la route pour atteindre le but de notre voyage, la Mer Noire et sa capitale Varna !!!

Détente à Véliko Tarnovo
Nous arrivons à Varna, après un arrêt près de Véliko Tarnovo (Велико Търново pour les lecteurs de cyrillique) en fin d'après-midi. Nous nous posons sur le terrain de Nikolaï (prof de philo francophone qui arrondit ses fins de mois en mettant son terrain à la disposition des campeurs et ccistes). Dès le lendemain, nous nous mettons à la recherche d'un logement. Nous reprenons contact avec le couple de français que nous avions rencontré à Athènes et qui réside à Varna. Nous faisons aussi connaissance avec Didier, un expat français avec qui nous communiquons depuis un mois via Skype.

Posés chez Nikolaï
Nous trouvons rapidement un logement meublé et équipé. Nous rangeons Antipode sur un parking payant, terminons les démarches pour l'inscription des enfants au sein de l'EFIV (Ecole Française Internationale de Varna) et nous nous installons dans la sédentarité et la routine.

L'EFIV
La sédentarité et la routine, voilà une des causes de ce silence. Malgré les relances de Stéphanie, je traîne pour reprendre la plume et écrire les nouveaux articles, nos cartes postales dématérialisées. Je n'ai pas l'inspiration, je n'ai plus l'envie d'écrire, je remets sans cesse au lendemain, plus le quotidien revient, plus la routine tueuse de rêves et d'espoirs s'immisce en moi. Je repousse, n'ai plus envie de faire partager, n'ai plus l'inspiration, me laisse porter par le quotidien, par les choses qui m'entourent. Et puis, mon cerveau est occupé par autre chose, par diverses choses en fait. Il faut apprendre une nouvelle langue, une nouvelle écriture, de nouveaux us et coutumes, de nouvelles habitudes alimentaires, plus le temps de regarder derrière moi et le temps passe.

2016 se termine, 2017 arrive ..... puis se passe et nous voilà en 2018 !!!

Alors pourquoi cette reprise de la plume, maintenant ?

Parce que mon cerveau est à nouveau libre, parce que la promesse du quotidien et de la sédentarité qui s'éloigne nous tend les bras.

Nous sommes dans un nouveau projet, un nouveau départ après une halte prolongée en Bulgarie, mais nous reviendrons sur le temps passé ici pour vous faire partager ce que nous avons vécu et visité.